Audrey a changé d'orientation suite au cancer de son père. Elle a décidé de se consacrer à l'accompagnement. Pour ALLO Alex, elle revient sur son parcours et nous partage sa volonté de sensibiliser à la maladie et au rôle d'aidant.
Qui es-tu ?
Je m’appelle Audrey, j’ai 37 ans je vis à côté de Paris et bientôt sur le bassin d’Arcachon. Je suis célibataire et sans enfant.
Quelle est ta formation ?
Initialement un BTS Hôtellerie, puis Niveau Bac +4 en RH, formation de Formateur, formation de sophrologie, formation de coach et en soins énergétiques Access. Eh oui, 😊parcours atypique ! Et ce n’est pas fini, je repars en formation d’ici peu pour enrichir encore mes pratiques.
Quel est ton métier ?
Je suis consultante intuitive, spécialisée aidants et cancer. Je suis également praticienne et Facilitatrice Access Consciousness pour mon plus grand bonheur 😉
Depuis quand l’exerces-tu ?
Je me consacre réellement à l’accompagnement spécialisé depuis environ six mois et en ce qui concerne les soins énergétiques, depuis plus d’un an.
Pourquoi l’as-tu choisi ?
J’ai décidé de faire de ma passion mon métier, pour moi c’est une évidence, et je dois cette prise de conscience à mon père.
Je crois que j’ai toujours eu cette vocation à écouter et à aider autrui depuis ma plus tendre enfance.
Je suis passionnée par l’humain et par cette capacité à « grandir à travers des prises de conscience, à briller, à grandir, à oser et à s’aimer » Il n’y a pas de hasard 😊
Aujourd’hui, je suis authentique, entièrement dans mon élément lorsque j’accompagne, j’écoute, j’aide, je redonne le sourire, je partage, que ce soit à travers l’accompagnement ou les soins énergétiques. Je suis à ma place avec la maladie et dans les hôpitaux.
Quel est ton lien avec la maladie ?
Je suis aidante depuis le mois de juillet 2017.
Un parcours long, difficile, douloureux mais empreint d’amour, de résilience, de force, de générosité et de bienveillance.
Comment as-tu accompagné le malade ?
Il a débuté avec le résultat du scanner de mon père avec cette question « ADK de l’ethmoïde ? Visite formelle à un ORL » À cet instant, j’ai pris un coup de massue et je suis devenue son accompagnant-aidant, ma mère n’étant pas assez forte psychologiquement à cette époque.
J’ai donc accompagné mon père lors de son premier rdv avec un ORL pour la biopsie, dans le second pour le résultat de l’ « anapath* » et de ce fait, de son diagnostic adénocarcinome de l’ethmoïde ** Stade 4 N0 M0. Je me souviens de celui-ci, comme si c’était hier !
Ensuite, tout s’est enchaîné très vite et tu rentres dans la spirale du monde médical. Je l’ai accompagné à chacun des rendez-vous, des examens médicaux, chacun des cycles de chimiothérapie adjuvant à son opération, puis de celle-ci, puis des cycles de chimio-radio.
Durant tout ce parcours, j’ai veillé sur lui, je l’ai soutenu, je l’ai encouragé mais j’ai aussi respecté son silence, ses doutes, sa colère, et j’admire par-dessus tout son courage, sa détermination et sa lucidité. Je suis devenu sa personne de confiance et je me suis occupée de l’ensemble des démarches administratives auprès des établissements et de la Sécurité sociale.
Il y a dix mois quand la maladie l’a privé de vue, mon rôle a pris une autre dimension.
Ce fut le début d’un accompagnement pas à pas, d’un point de vue physique mais surtout psychologique. Comment accepter tout en douceur cette transition, de malade indépendant (en quelque sorte) à malade dépendant ? À travers cela, j’ai continué son accompagnement lors des cycles de l’essai clinique et de son dernier cycle de chimio.
Aujourd’hui, deux mois après l’annonce de l’arrêt des traitements, c’est tout en douceur, que je l’accompagne à ma façon vers ce que l’on appelle en terme médical « la fin de vie » à travers l’écoute, la résilience et l’amour.
As-tu rencontré des difficultés particulières ?
C’est une évidence !! Certes, je n’étais pas la personne malade mais cela a changé ma vie, car il ne faut pas se mentir, c’est plus qu’un virage à 360 degrés !!!
Dès que tu rentres dans le système, tu es confrontée dans un premier temps à l’appréhension et à la compréhension de la maladie, puis de son développement, de ses conséquences (visuelles et psychologiques), de son suivi et bien sûr tu es confrontée de plein fouet à la mort.
Cependant, lors du tout 1er résultat chez l’ORL, j’ai su que je ne devais pas flancher, que je devais tenir debout et rester droite pour mon père mais aussi ma mère et ma sœur.
Cependant, la douleur des mots et des maux, des résultats, des examens, des parcours de soins, du changement physique et moral, des humeurs et le fait de devenir aidante ont eu un impact direct : la solitude !! Je suis vite devenue « une autre moi », peu d’expressions de ressentis ou d’émotions et la mise en place d’une carapace bien forgée pendant environ dix-huit mois.
Le rythme très soutenu de l’ensemble du parcours de soin t’oblige à changer ta façon de vivre dans un sens et change de facto, tes relations aux autres.
Quel a été l’impact sur ta propre vie professionnelle ?
Quand la maladie de mon père fut déclarée, j’ai mis un stop à mon entreprise et ma vie professionnelle, pour me consacrer à lui et aux soins. Ce fut une des plus belles décisions de ma vie et je ne le regrette pas.
Qu’est ce qui t’a aidée ?
Dans ce parcours, j’ai eu la chance de rencontrer de belles personnes ayant eu un cancer, des femmes exceptionnelles (en majorité), m’ayant transmis leurs ressentis, leur authenticité, leur parcours, leurs attentes.
Je me suis passionnée pour les parcours de soins, les traitements, la cause, la recherche, les différents cancers. J’ai effectué des recherches sur celui de mon père etc. Bref, je n’ai cessé d’apprendre et j’apprends encore.
Ce sont les valeurs comme l’unicité, le non-jugement, l’écoute et la bienveillance qui furent pour moi un second souffle.
C’est une route que tu prends seule, même si les plus proches sont présents, leur compréhension de la situation est différente même si bienveillante.
Pour ma part, j’ai beaucoup travaillé sur la notion de culpabilité.
Qu’est ce qui aurait pu t’aider ?
Je me pose souvent cette question, mais comme je dis souvent « tant que tu ne passes pas par cette étape, tu ne peux comprendre réellement ».
Cependant, le fait d’échanger avec d’autres aidants et d’être pris en compte est à mon sens important, pour ne pas rester dans la solitude, la culpabilité et ce que j’appelle « le rôle de victime », car comment soutenir durablement la personne si toi tu perds pied ? Comment être présente pour lui, si tu ne trouves pas un second souffle pour toi ?
Mon ressenti est que l’on ne prend pas réellement en compte l’aidant. On sous-estime les impacts psycho-sociaux, les conséquences professionnelles et la qualité de vie, même si j’en conviens que nous ne sommes pas les personnes atteintes par la maladie.
On ne te guide pas non plus sur ce qu’est le fait d’accompagner un malade avant, pendant, après et jusqu’à la fin de vie, ce que cela reflète du domaine psychologique, physiologique, physique et de la mort.
À ton avis, quelles qualités / compétences as-tu gagnées ou développées en étant indirectement confrontée à la maladie ?
Je pense avoir sans conteste redonné un sens à ma vie à 1000 % dans un premier temps.
J’ai aussi développé encore plus d’empathie, d’écoute, de résilience et j’ai renforcé l’envie de guider, de partager, de tendre la main, d’aider.
Je suis devenue plus déterminée que jamais à faire ce qui me plait, quitte à ne pas plaire aux autres, « mon j’en-foutisme » 😁 et j’écoute mon intuition !!
Mon expérience dans l’accompagnement et cela jusqu’à la fin de vie est une compétence que nul ne t’apprend, il faut le vivre, le ressentir, l’expérimenter et le partager !
Dans un sens je me suis déconstruite pour mieux me reconstruire, en ayant un rapport à la vie bien différent, rempli d’amour et de joie.
As-tu développé un nouveau projet ?
Socrate disait « Connais-toi, toi-même », c’est chose faite et je me dois d’honorer « la bataille de mon père » en devenant la plus heureuse possible.
Aujourd’hui, j’ai décidé de faire de ma passion mon métier !
Je souhaiterais également créer des réunions, des conférences avec des aidants, les malades et toutes autres personnes, afin de libérer la parole sur notre statut, les enjeux ainsi que les conséquences.
Mon rêve serait de publier un livre sur mon père et de créer une association avec ma sœur.
Comment as-tu connu Allo Alex ?
Via les réseaux sociaux, et grâce à CmyNewme.
Quelle info essentielle aimerais-tu partager ?
N’écoutez que votre cœur, lui seul est votre meilleure boussole !!
As-tu quelque chose à rajouter ?
Je remercie mon père et je lui dis ceci
« Il n’y a pas d’au revoir pour nous. Peu importe où tu es, tu seras toujours dans mon cœur » Gandhi
Je fais une dédicace à ma sœur ainsi qu’à ma mère. Love !
MERCI !
Merci infiniment à Allo Alex de m’avoir donné la parole !!!
*« anapath » ou « anath-patho » : abrévation informelle du terme de spécialité médicale « anatomopathologie » qui désigne l'étude des altérations organiques des tissus et des cellules provoquées par la maladie ». On parle aussi d'anatomocytopathologie. Le médecin en charge de cet examen est appelé anatomopathologiste ou pathologiste. L'« anapath » examine les organes, les tissus ou les cellules et les analyse, afin de repérer des anomalies liées à une maladie. L'examen se fait d'abord à l'œil nu, puis il est complété par une analyse à l'aide d'un microscope. Le rôle de l'anapathologiste est capital pour déterminer le diagnostic de cancer et les traitements à envisager. (Sources : Larousse, Institut national du cancer)
** l'ethmoïde est l'os qui se trouve entre les yeux. L'adénocarcinome de l’ethmoïde est un cancer ORL rare. Il atteint les sinus.
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