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Santé et travail : concilier cancer et rôle de dirigeant

Dernière mise à jour : 5 nov.

Il y a plusieurs mois, l'appel d'Arthur Sadoun, le PDG de Publicis, pour « faire tomber le tabou du cancer au travail » a marqué un tournant important dans la sensibilisation à cette réalité souvent négligée. En partageant son expérience et en encourageant les entreprises à briser le silence, sa parole a mis en lumière un sujet délicat mais crucial : le cancer ne discrimine pas, et cela inclut également les dirigeants d'entreprise. 


Loïc partage

« Je suis également convaincu que l’attitude du dirigeant face à ces situations influence largement celle des collaborateurs. Si la direction est sensible et ouverte à ces questions, les collaborateurs seront naturellement portés à suivre cette politique. Cependant, il est fondamental que les dirigeants incarnent réellement les valeurs qu’ils prônent. »

Loïc, président de Foncia Loire-Atlantique, a été diagnostiqué d'un cancer de l'amygdale en 2020. Il partage son expérience en tant que dirigeant, comment il a organisé son absence au travail, sa reprise de fonctions, et offre des conseils pour mieux gérer cette situation en entreprise.


Nous sommes donc ravis de partager ici son témoignage.


Pouvez-vous vous présenter ?


Je m'appelle Loïc, j'ai 57 ans et je suis père de deux enfants de 32 ans et 29 ans. Actuellement, je suis président de Foncia Loire-Atlantique, une entreprise spécialisée dans l'administration de biens. Nous exerçons quatre activités principales dans ce département : la copropriété, qui constitue notre cœur de métier, la gestion locative, la location longue durée, ainsi que la location saisonnière. Notre équipe se compose de 80 collaborateurs.


Pouvez-vous nous parler de votre expérience de vie de la maladie en quelques mots ? 


En avril 2020, j'ai été confronté à un diagnostic de cancer de l'amygdale gauche. Tout a commencé par un petit ganglion sur le côté gauche de mon cou, accompagné d'une légère douleur lorsque je tournais la tête. Bien que cela paraisse anodin, j'ai pris rendez-vous rapidement, car je consulte régulièrement mon médecin en raison de ma pratique sportive intense. Lors de cet examen, ma médecin a manifesté des inquiétudes à la palpation.


J’ai ensuite été rapidement pris en charge par un chirurgien ORL qui a procédé à une nasofibroscopie. À la fin de l'examen, il a posé une main sur mon épaule et m’a annoncé qu’il n’appréciait pas ce qu’il voyait, une transparence que j'ai particulièrement appréciée.


Une biopsie a confirmé le diagnostic : cancer de l'amygdale gauche. Le chirurgien m'a alors expliqué que, vu ma bonne condition physique, nous pouvions opter pour un traitement intensif afin d’éviter une intervention chirurgicale, particulièrement invasive en raison de la localisation du cancer, qui commençait à affecter légèrement ma langue.

Le traitement choisi a donc été une combinaison de chimiothérapie et de radiothérapie, sans chirurgie. C’était comme me préparer pour un marathon : 42 séances de radiothérapie et 3 semaines de chimiothérapie continue renforcée par une séance quotidienne supplémentaire sur ces 3 semaines. Ce « marathon » a débuté le 24 juin et s'est achevé le 14 août.


Comment conciliez-vous votre maladie et votre travail ? 


Le chirurgien m'a donc annoncé que pour le second semestre 2020, tous mes projets devaient être annulés. Il a décrit cette période comme « un tunnel dans ma vie où il ne se passera rien d'autre que ma guérison ». J'étais invité à mettre de côté toutes mes activités pour me concentrer exclusivement sur ma santé.


En tant que dirigeant d'entreprise, je me suis dit que, grâce à mon habitude du télétravail et aux outils dont je disposais, cela ne poserait pas de problèmes majeurs. Cependant, le chirurgien m’a très vite averti : « On va vous administrer un traitement fort […] il est possible que dans les semaines à venir, vous vouliez travailler, mais vous ne pourrez peut-être pas. » Il a été direct, et c'était exactement ce dont j'avais besoin pour me préparer mentalement au défi à venir.


Au vu de la lourdeur du traitement, il était évident que je ne pourrais pas continuer à télétravailler. J'ai donc pris la décision de déléguer toutes mes responsabilités et de cesser complètement toute activité professionnelle, afin de consacrer toute mon énergie à ma guérison.


J’ai rapidement informé mon entourage professionnel. Lorsque j'ai appelé mon supérieur, il m'a dit : « Loïc, tu fais ce que tu veux, tu t'organises comme tu veux. C'est toi qui décide et donc si tu décides que c'est tout pour la maladie, c'est tout pour la maladie ! » J'ai également donné mon accord pour qu'il en parle au plus haut niveau de l’entreprise, en toute transparence : « j’ai un cancer de l'amygdale, je vais avoir un traitement lourd pendant quelques mois et probablement que je ne vais pas pouvoir travailler jusqu'au mois de septembre. » J’étais peut-être un peu trop optimiste, car au final, je ne suis revenu qu’en janvier de l’année suivante !


Dans les 48 heures qui ont suivi, le président du groupe m’a également contacté pour me témoigner son soutien : « Tu peux t'organiser comme tu le souhaites, ne t'inquiète pas pour la partie financière, cela n'aura aucun impact. Concentre-toi sur ta guérison. Pour le reste, n'hésite pas à nous demander ce dont tu as besoin. Nous nous organiserons pour que tout fonctionne. Prends soin de toi. » La DRH m'a également exprimé son soutien.


J’ai ensuite informé le comité de direction pour assurer une bonne coordination pendant mon absence, puis j’ai pris le temps d’appeler tous les chefs de service du siège pour leur expliquer la marche à suivre. Enfin, j'ai convoqué une réunion avec l'ensemble des 80 collaborateurs pour leur exposer la situation de façon simple et transparente : « On vient de me diagnostiquer un cancer. La situation est assez grave, ce qui nécessite une hospitalisation rapide. Néanmoins, la maladie a été détectée à temps, donc avec un bon traitement, je serai de retour dans quelques mois. Cependant, le traitement sera suffisamment intensif pour m'empêcher de travailler. » J’ai également précisé : « Pour vous, tout continue, il n'y a pas de changement ». Le directeur régional a participé à la réunion et a pris la parole pour rassurer les équipes.


La présence du directeur régional, la transparence et le fait que tout se soit bien déroulé en mon absence ont rassuré les équipes. J’ai ressenti une bienveillance profonde, que j’attribue à cette démarche de transparence. Communiquer ma situation de santé, c’était leur faire confiance, et cela a créé de l’humanité, du respect et du lien au sein des équipes, sans tomber dans une compassion excessive. Il est essentiel que, même au plus haut niveau de l'entreprise, la priorité soit donnée à la santé et que la continuité du travail repose sur la solidarité et la confiance envers l’équipe.


Comment se passe votre période d’arrêt de travail ?


En raison de mon cancer, une gastrostomie a été posée par précaution, afin d'anticiper d'éventuels problèmes d'alimentation causés par les traitements. Dès les premiers jours de radiothérapie, les brûlures sont rapidement devenues insupportables, au point que, après seulement quatre jours, je ne pouvais plus ni boire ni manger ni parler. Cinq jours plus tard, j’ai donc commencé à m'alimenter par la stomie.


L’épuisement était tel que j'ai perdu 11 kg. Je manquais cruellement d’énergie, mes mouvements étaient de plus en plus limités et j’ai passé deux mois alité. Pendant ce temps, je recevais régulièrement des messages de mes chefs de service et de mon patron pour prendre de mes nouvelles. J'échangeais également beaucoup par SMS avec une collègue qui traversait un cancer au même moment. Ces interactions sociales minimalistes étaient cruciales pour moi, car je ne pouvais plus communiquer verbalement.


Le plus difficile dans cette épreuve a été de ne plus pouvoir parler. L’absence de communication orale, de relations sociales et même de rythme quotidien, notamment avec la suppression des repas, a été particulièrement éprouvante sur le plan psychologique. Mes journées n’étaient rythmées que par les séances de radiothérapie, de chimiothérapie et la pose de la sonde d'alimentation chaque soir.


Comment se déroule votre retour au travail ? 


La période qui a suivi la fin des traitements s'est avérée parfois plus difficile que je ne l'avais imaginé. On s'attend à une amélioration rapide, mais en réalité, pendant plusieurs semaines, il ne se passe rien. Le corps continue de guérir et d'absorber les effets des traitements. Psychologiquement, cette attente peut sembler interminable. Mon épouse suivait attentivement mes progrès, mais rien ne semblait changer. Cette stagnation m'a fait craindre que mon incapacité à parler et à travailler puisse devenir permanente.


Début octobre, j’ai enfin pu émettre quelques sons, et à la mi-octobre, j’ai recommencé à boire et à manger. En novembre et décembre, j'ai assisté en auditeur libre aux réunions du Comité de Direction pour me tenir informé de la situation de l’entreprise. Le 15 janvier, j’ai repris en temps partiel thérapeutique, prévu pour deux mois. Cependant, après seulement deux semaines, j'ai repris à plein temps.


Certaines tâches que j'avais déléguées ont trouvé preneurs parmi mes managers, et ils y ont pris goût. Je leur ai donc laissé ces responsabilités, ce qui a entraîné des ajustements organisationnels. Malgré quelques appréhensions et difficultés liées à la perte de certains réflexes après sept mois d'inactivité cérébrale, tout est revenu progressivement.


Aujourd'hui, trois ans après le diagnostic, je ne ressens plus de séquelles. Bien que je ressente une légère diminution de ma résistance physique, j’ai repris le sport et le travail avec la même intensité qu’avant.


Cette expérience de vie de la maladie a-t-elle entraîné des modifications dans votre rapport aux autres, au travail, à la vie ?


J'ai toujours été sensible à la santé de mes collaborateurs, mais cette attention s'est certainement renforcée à travers ma propre expérience de la maladie. Je pense également que cette période a été riche d'enseignements pour mes équipes. De mon côté, j'ai réalisé que je n'étais pas indispensable au bon fonctionnement de l'entreprise, car les choses ont continué à avancer en mon absence. 


Enfin, traverser cette épreuve m'a appris à relativiser. Là où auparavant une mauvaise nouvelle pouvait me plonger dans l'anxiété, j'ai désormais pris l'habitude de prendre du recul. Je suis moins pressé de réagir immédiatement et je prends le temps de réfléchir avant d'agir. Plus important encore, j'ai redéfini mes priorités : la santé et la famille sont désormais au centre de mes préoccupations.


Vos équipes ont pu participé à une journée de sensibilisation sur la maladie avec la collaboration de Wecare@work. Pouvez-vous nous en parler ?


Les différents ateliers, comme celui sur le braille, ainsi que divers témoignages, dont le mien et celui de Véronique de Wecare@work, ont profondément marqué les collaborateurs. Même si certains connaissaient déjà mon histoire, tous ont particulièrement apprécié la transparence avec laquelle elle a été partagée. Ils ont également été sensibles à l'importance accordée à ces sujets et par la décision de fermer deux agences afin de permettre à chacun d’assister à cette journée. Cette initiative a souligné l'importance que le groupe accorde à ces questions.


Selon vous, comment peut-on améliorer l’accompagnement des personnes malades au travail ?


Je ne sais pas ce qu'on peut faire de mieux que ce que ma direction a fait pour moi. Dès le début, ils m'ont dit : « Fais les choses à ton rythme, comme tu le sens et comme tu le peux.» Je n'ai ressenti aucune pression, seulement un immense soutien. Ils m'ont offert une totale liberté d'action, sans m'imposer la moindre contrainte. Cette approche m'a permis de concentrer toute mon énergie sur la lutte contre la maladie, ce qui a été extrêmement bénéfique sur le plan psychologique.


Si vous aviez 1 conseil ou bonne pratique à partager 


  • avec une personne en situation de maladie au travail ? 


Parler ouvertement de ma maladie en entreprise m’a permis de découvrir une aide inattendue : un proche d’une collaboratrice qui pratique le coupeur de feu. Avec mon cancer, les brûlures provoquées par les traitements étaient un défi quotidien. Pourtant, grâce à ses séances, bien que les brûlures aient été présentes, je n’ai ressenti aucune douleur, ce qui m’a épargné bien des souffrances. Cette transparence m’a permis de bénéficier d’un soutien que je n’aurais pas envisagé, et cela s’est avéré être une véritable opportunité.


  • un dirigeant ou un manager touché lui-même par la maladie ?


En tant que manager, je pense que certains ont du mal à déléguer. Lors de la préparation de mon arrêt de travail, je leur ai dit, même si certains n’étaient pas encore prêts à l’entendre : « Prenez cette situation comme une opportunité de développer vos compétences. Personne n’est irremplaçable. Je vous mets face à une contrainte, et chacun de vous va prendre un peu plus de responsabilités en mon absence. Vous verrez que l’entreprise traversera cette période et que nous en ressortirons plus forts les uns les autres. »


Je pense que notre rôle en tant que manager est de faire évoluer nos collaborateurs. Cette période a été une occasion pour eux de prendre plus de responsabilités et d'autonomie, car ils ont pris des décisions sans moi. Mon directeur de région m'a dit qu'ils l'avaient très peu sollicité pendant ces sept mois. Ils ont été autonomes parce que nous avons mis en place un cadre de délégation clair.


  • un manager ou un employeur qui accompagne une personne touchée par la maladie ?


Il est essentiel de laisser les collaborateurs choisir s'ils souhaitent continuer à travailler ou non. Cette liberté est primordiale pour respecter leur autonomie. De plus, il est crucial de demander leur autorisation avant de communiquer leur situation à l’équipe. Lorsque leur absence entraîne la nécessité de déléguer ou de transférer des tâches, il est important de faire preuve de transparence, de fournir des explications claires et de maintenir une cohérence. L’équipe doit comprendre les raisons de ces modifications pour favoriser une véritable solidarité.

Je suis également convaincu que l’attitude du dirigeant face à ces situations influence largement celle des collaborateurs. Si la direction est sensible et ouverte à ces questions, les collaborateurs seront naturellement portés à suivre cette politique. Cependant, il est fondamental que les dirigeants incarnent réellement les valeurs qu’ils prônent.


Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?


La maladie est certes une épreuve, mais je la considère également comme une aventure enrichissante. Bien qu’elle m’ait fait souffrir, elle m'a permis de relativiser et d'acquérir des enseignements précieux qui me serviront pour le reste de ma vie.


Merci Loïc pour votre témoignage.


Vous aussi vous souhaitez témoigner de votre expérience de la maladie ou du handicap au travail, contactez-nous à l’adresse alloalex@wecareatwork.com.


Pour toutes vos questions, sachez qu’ALLO Alex est là pour vous aider ! Pour rappel, le service est joignable au 0800 400 310 du lundi au vendredi de 9h à 17h (appel gratuit).



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