Il s’appelle Mathieu, elles s’appellent Marylène et Véronique et sont tous les trois touché•e•s par un cancer ou un handicap visuel ; des pathologies toutes différentes qui impactent leur quotidien. Leur point commun ? Ces personnes sont toutes en invalidité ! Alex a souhaité leur donner la parole afin qu’il et elles témoignent de leur démarche et de ce que cette pension leur a apporté.
L'invalidité et vous : pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?
Marylène : En juillet 2019, alors que je travaillais depuis 2002 dans la même société, j’ai moi-même initié la demande d’invalidité de première catégorie. En effet depuis 2008 j’avais la RQTH pour un handicap visuel, qui m’a permise d’avoir un écran adapté 24 puis 26 pouces, mais en 2019 un nouveau responsable est arrivé dans mon service il m’a demandé d’effectuer une mission que je ne pouvais réaliser avec le seul aménagement de poste fonctionnel (j’avais bien un logiciel d’agrandissement mais celui-ci pour des raisons de sécurité informatique ne fonctionnait pas).
Ayant eu beaucoup de difficultés à faire comprendre cela à mon responsable, je me suis résolu à demander l’invalidité de première catégorie.
J’ai rapidement été convoquée par le médecin-conseil de la Sécurité sociale qui a donné une réponse favorable à ma demande. Je lui ai présenté les derniers comptes-rendus des consultations et cela lui a suffi.
Véronique : J’ai eu un cancer du sein en 2017 et je suis toujours en traitement ....et les conséquences de l'ensemble de mes traitements me font toujours souffrir et ont un impact certain sur ma vie et ma vie professionnelle. C’est le médecin du travail qui m’a préconisé la demande d’une pension d’invalidité auprès du médecin-conseil de la Sécurité sociale, lors de ma visite d’embauche (NDLR. la VIP : la visite d’information et de prévention) au regard de mon dossier médical, de mon âge et de ma vie professionnelle et aussi de ma RQTH*.
Mathieu : Je suis actuellement en rémission d'une leucémie et les médicaments que je prends toujours, pendant cette période dite d'entretien ont malheureusement une incidence directement sur ma forme physique. Je suis à l’origine de ma demande et ma femme m’a aidé. Elle voit au quotidien la fatigue qui est générée : le coup de pompe x10 le soir et le week-end. C’est elle qui a lancé les démarches pour moi. Au départ c’était pour se renseigner, savoir quels étaient mes droits, à quel montant je pouvais prétendre. La catégorie de niveau 1 pouvait me permettre de réduire mon temps de travail.
On a demandé les montants et sollicité un rendez-vous avec la CPAM fin février, une conseillère m’a rappelé quelques semaines plus tard en me demandant quels étaient mes besoins. Je souhaitais dégager du temps pour me reposer, mon état se dégradant de plus en plus les week-ends. Je devais envoyer plusieurs pièces justificatives. C’est important d’avoir un classement des documents, de ses salaires. La Sécurité sociale sollicite la CARSAT pour avoir le relevé de carrière.
Le calcul est fait sur les 10 meilleures années. J’allais être mis éventuellement en contact avec le médecin-conseil en fonction des pièces rapportées (ALD, RQTH, comptes-rendus d’examens, de consultations…). Fin avril j’ai eu la confirmation de mon éligibilité à la pension d’invalidité sans visite avec le médecin-conseil. J’ai reçu par courrier, entre autres, un titre de pension d’invalidité (à conserver précieusement) ainsi qu’une notification m’indiquant le salaire annuel moyen brut (SAMB) et une précision sur le montant mensuel de ma pension en rapport avec ma catégorie de rattachement (30% pour la première catégorie).
Véronique : Pour ma part, j’ai effectué la demande sur le site Ameli.fr, c’était simple. J’ai constitué seule mon dossier. Cependant sur les conseils du médecin du travail, j’ai accompagné mon dossier de courriers de mon médecin traitant, du médecin spécialiste et de lui-même. Ces trois courriers sont venus appuyer ma demande lors de ma visite avec le médecin conseil de la CPAM. C’est à l’issue de cette visite que le médecin conseil m’a accordé une pension d'invalidité.
Mathieu et Véronique, vous continuez à travailler, quels aménagements l’invalidité va-t-elle vous permettre de mettre en place ?
Véronique : Je passerai à 80% le 1er juin avec un avenant à mon contrat de travail. Et d’une décision commune avec mes employeurs, je ne travaillerai plus le vendredi. Je suis très contente de ce nouvel aménagement de temps ….je vais en profiter pour prendre soin de moi.
Mathieu : Actuellement j’ai un contrat de 42 heures par semaine, j’aimerais réduire d’une journée, environ 8 heures par semaine. L’idée serait d’avoir une journée de repos sur les 5 : une journée entière ou deux demi-journées.
Marylène, Mathieu et Véronique, en tant que travailleurs bénéficiaires d'une pension d'invalidité vous êtes reconnus en qualité de travailleur handicapé, qu'est-ce que cette reconnaissance vous apporte au quotidien ?
Véronique : J’avais déjà une RQTH avant de bénéficier de la pension d’invalidité. Cette reconnaissance m’a apporté une véritable libération de la parole vis-à-vis de mon employeur mais aussi de mon entourage professionnel et personnel.
J’ai pu parler de mes difficultés personnelles liées à ma maladie et à ses conséquences avec mon employeur et réalisé mes visites médicales à la médecine du travail en toute transparence. Cela permet de mettre tout à plat, d’avoir une très bonne relation employeur-médecin du travail-salarié et c’est moi qui dirige les opérations, je suis actrice de ma situation.
Je suis en télétravail à 100% préconisé par la médecine du travail.
Cela me permettra également d’être accompagnée par Cap emploi si besoin, de bénéficier d’un abondement du CPF de 300 € par an (NDLR. dans la limite du plafond du CPF). Et si jamais j’ai besoin d’accompagnements spécifiques, je sais que je peux en faire la demande auprès de mon employeur. C’est une forme de reconnaissance en fait, et permet de faire comprendre à tous que les traitements peuvent générer des conséquences compliquées pour concilier maladie et travail.
Mathieu : Ce qu’elle peut m’apporter c’est surtout un aménagement de mes conditions de travail et du poste de travail. Je suis en full télétravail, car j’ai un système immunitaire affaibli. Cela me permet d’éviter les transports en commun et/ou la fatigue qu’engendrerait le temps de trajet en voiture.
Et côté employeur, ça peut être utile dans le cadre de l’OETH.
Marylène : La RQTH m’a permis d’avoir un aménagement de poste matériel avec un grand écran.
J’ai également bénéficié de deux jours de congés supplémentaires (deux jours par an) et d’un CESU pour un montant de 1 100 euros par an, jusqu’à mon départ de l’entreprise.
Il y a beaucoup de représentations autour du handicap. Des aprioris souvent négatifs. Que diriez-vous à quelqu'un de concerné, touché par un handicap invisible, à qui l’invalidité a été ou pourrait être proposée ?
Véronique : Pour moi, c’est le mot « handicap » qui fait peur et …il faut passer au-delà de ce mot. Certes, ce n’est pas simple de se reconnaître « handicapé•e » et d’avoir une RQTH ou une invalidité mais cela permet une reconnaissance vis-à-vis de la maladie et de poser un cadre sur des faits concrets : la maladie peut engendrer des conséquences importantes dans sa conciliation maladie et travail.
Et au final, je pourrais même dire que personnellement ça me sécurise d’avoir ce cadre.
Mathieu : Si l’État (la Sécurité sociale) le reconnaît, c’est qu’il y a une situation de handicap. Au-delà de notre handicap, on est souvent une nouvelle personne, on a une nouvelle vision de la vie. On est source d’innovation et d’ouverture d’esprit. Face à ces expériences de vie, nous développons / renforçons des compétences douces, précieuses en entreprises !
Marylène : Je lui dirai que l’acceptation du handicap est un processus très personnel qui demande du temps, plus ou moins, un peu comme le processus de deuil. Et qu’il ne faut pas rester isolé, se faire accompagner aide beaucoup.
Si vous êtes bénéficiaires de la pension d’invalidité et si vous souhaitez témoigner de votre expérience de la maladie au travail, contactez-nous à l’adresse alloalex@wecareatwork.com
Pour toutes vos questions, sachez qu’ALLO Alex est là pour vous aider ! Pour rappel, le service est joignable au 0800 400 310 du lundi au vendredi de 9h à 17h (appel gratuit)
* RQTH : reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
Plus d'informations sur la RQTH dans notre article « La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) – démarche simplifiée »
Plus d'informations sur l'OETH dans notre article « Qu’est-ce que l’OETH ou obligation d’emploi des travailleurs handicapés ? »
Crédit photo : Canva
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