Entre 1,5 et 2,5 millions de femmes sont touchées par l’endométriose en France [1]. Cette maladie chronique inflammatoire de l’appareil génital féminin pose notamment la question du maintien en emploi et de son accompagnement dans les entreprises.
Chaque jour, des entreprises commencent à reconnaître l'importance de créer des environnements de travail favorables à la santé et au bien-être de tous les collaborateurs et collaboratrices, comme celles touchées par l'endométriose : aménagements d’horaires, sensibilisation et formation des collègues et des managers, etc.
Pour Ingrid :
« C'est essentiel que les entreprises soient sensibilisées. Cette maladie peut générer de l'absentéisme, de l'incompréhension des collègues [...], une charge de travail répercutée sur l’équipe… »
Il y a quelques mois, une collaboratrice d’Ingrid s’est confiée sur son endométriose lors d’un événement mensuel de sensibilisation organisé par l’entreprise. En tant que responsable diversité inclusion, Ingrid témoigne sur l’annonce de sa collaboratrice et l’accompagnement qu’elle lui a proposé. Elle nous livre également les projets futurs et nous apporte des précieux conseils sur le sujet.
Nous sommes heureux de vous proposer son témoignage.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis Ingrid Thoraval, responsable inclusion et partenariats au sein du groupe Foncia, groupe de services immobiliers composé de plus de 10 000 collaborateurs. Le groupe possède plusieurs filiales et celle qu’on connaît le plus en France est Foncia.
J'occupe ce poste depuis le 1er juillet 2022. C'est finalement assez récent mais ça fait plus de 10 ans que je suis dans le groupe. L'objectif principal de ma mission est de faire en sorte que chacun puisse trouver sa place au sein du groupe et travailler dans les meilleures conditions possibles, quel que soit son parcours professionnel, ses origines, son état de santé…
Vous organisez des journées de sensibilisation sur le handicap. Pouvez-vous nous en parler ?
Dans le cadre de mes missions, je suis responsable de la Mission Handicap, sous accord agréé depuis 2021, qui s'engage sur de nombreux sujets (le maintien en emploi, la sensibilisation, la communication...) L’objectif est de créer un climat favorable pour libérer la parole sur tous les sujets liés au handicap.
Nous avons donc pris le parti de sensibiliser tous nos collaborateurs.
Une fois par mois, la Mission Handicap se rend dans une agence Foncia ou dans une autre filiale du groupe pour sensibiliser les collaborateurs présents sur place. Tout au long de la journée, nous proposons des ateliers :
des casques de réalité virtuelle pour se mettre dans la peau de 3 personnes en situation de handicap ;
un quiz sur le handicap pour tester ses connaissances et surtout les parfaire ;
un test auditif pour estimer l'état de santé de ses oreilles.
Je suis accompagnée par des experts qui viennent aussi prendre la parole sur ces sujets. À la pause déjeuner, une conférence est animée et organisée par la Mission Handicap et Wecare@work, afin d’évoquer les maladies chroniques et invalidantes et présenter les services de la Mission Handicap. L’objectif est de libérer la parole et de permettre à des collaborateurs qui, aujourd'hui sont en situation de handicap mais ne se sont pas encore déclarés, de se sentir libre de le faire ou d'être accompagnés vers la RQTH.
Lors d’une de ces journées, une de vos collaboratrices vous a annoncé sa maladie : l’endométriose.
Comment s’est passée l’annonce de votre collaboratrice ? Comment avez-vous réagi et comment l’avez-vous accompagné ?
En effet, dans le cadre d’une de ces journées, à la fin de la conférence, une de nos collaboratrices est venue nous voir pour nous dire qu'elle venait d’être diagnostiquée. Elle souhaitait savoir si on pouvait lui proposer un accompagnement particulier.
J’étais complètement à l'aise. Le sujet s’est beaucoup démocratisé ces derniers temps. Au cours de notre discussion, nous avons donc abordé la RQTH, une démarche qu’elle n’avait pas encore engagée car elle souhaitait au préalable en discuter. Par la suite, nous l'avons accompagnée pour monter son dossier, un dossier qui est aujourd’hui déposé auprès de la MDPH.
Bien évidemment, nous n’avons pas attendu qu’elle obtienne ce statut pour mettre en place des aménagements. De façon très naturelle et avec l'accord de toutes les parties prenantes (manager, collaboratrice…) notre collaboratrice peut rester à domicile, en télétravail, si elle ne sent pas capable de venir sur site pour réaliser ses missions et cela tout le long de la durée des règles (avant, pendant et après).
Que vous a-t-il manqué ? Qu’est-ce qui aurait pu vous aider pour accompagner encore mieux votre collaboratrice ?
On lui a aussi posé la question de savoir si elle était accompagnée en dehors du travail, par exemple, par des professionnels de santé, par des associations... C’est une collaboratrice qui était déjà bien accompagnée notamment par le médecin qui l’a diagnostiquée, ce qui est un point important dans le processus d’accompagnement.
Avec du recul, nous aurions pu avoir des associations ou des contacts qui proposent des solutions de médecine douce pour apprendre à gérer la douleur en complémentarité avec les médicaments.
Selon vous, quel(s) intérêt(s) pour les entreprises à mieux concilier endométriose et travail ?
Selon moi, l'intérêt est le même que le sujet du handicap. Je considère que n'importe quel salarié doit pouvoir travailler quelles que soient ses conditions de santé.
Avec les menstruations chez la femme, la récurrence peut être assez importante. Son activité ne doit donc pas être impactée par la maladie. Elle doit pouvoir continuer à travailler, à vivre, en gérant cette partie de sa vie. C'est essentiel que les entreprises soient sensibilisées parce que cela peut générer de l'absentéisme, de l’incompréhension des collègues (se rendant compte que la personne s’absente systématiquement plusieurs jours par mois), une charge de travail répercutée sur l’équipe…
Il est donc essentiel de proposer des aménagements notamment celui du télétravail pour que la collaboratrice touchée par l’endométriose puisse continuer à travailler à son rythme pendant la période des douleurs.
Comment peut-on améliorer la qualité de vie au travail des personnes touchées par l'endométriose, et plus largement par la maladie en entreprise ?
Selon moi, c'est déjà l'ouverture de la parole en créant un climat d'écoute et de liberté de la parole. Ensuite, c'est du cas par cas pour permettre un meilleur maintien dans l'emploi. On n’a pas systématisé les processus d’accompagnement des collaboratrices touchées par l’endométriose. Ce n'est pas une question simple, c’est reconnu depuis peu de temps.
Pouvez-vous nous parler un peu plus de vos solutions d’accompagnement ou de vos futurs projets sur le sujet ?
Nous allons former tous nos managers sur la question de la conciliation maladie, handicap et travail. Les managers sont la cible première parce que c’est le premier point de contact des collaborateurs. L’objectif est de leur donner les premiers outils et les premiers éléments de réponse lorsqu'ils sont confrontés à un collaborateur ou une collaboratrice leur parlant de leur situation de santé. L’objectif n’est pas d’en faire des experts du handicap et de la maladie mais qu’ils aient les premiers réflexes et une connaissance de l'écosystème pour pouvoir mobiliser les bonnes ressources, renvoyer vers les bonnes personnes comme la Mission Handicap, et ainsi se sentir moins démuni face à ce type de situation.
Et puis bien sûr, on s’est doté d’Alex, pour proposer un outil pour TOUS. En plus de la Mission Handicap, je pense que cet outil est essentiel car il n'est pas toujours simple pour un collaborateur d'aborder ce sujet avec son employeur. Avoir Alex en première intention permet d’obtenir des premières réponses et surtout d’avoir une plateforme avec des réponses fiables.
Nous avons également un gros projet d’accessibilité numérique en cours avec la réalisation d’un audit actuellement, et les achats responsables, qui sont également essentiels dans notre démarche.
Enfin, sur le sujet de l’endométriose, nous sommes toujours en train de travailler à sa sensibilisation. En matière de communication, pourquoi ne pas envisager l'organisation d'un événement dédié ou d'une campagne spécifique afin de sensibiliser nos collaborateurs à cette problématique ?
Si vous aviez un seul conseil ou une bonne pratique à partager pour mieux concilier endométriose et travail à
un employeur :
Selon moi, c'est du bon sens. Faire preuve d'écoute et d'empathie et se se dire qu’accorder quelques jours de télétravail (quand cela est possible) à une femme qui souffre d'endométriose, c'est lui permettre de concilier sa maladie et son travail.
C’est vraiment le message que je souhaite passer : « Permettez à vos collaborateurs et à vos collaboratrices de concilier maladie et travail ! »
un manager :
Être également à l'écoute de ses collaborateurs et ses collaboratrices et ne pas hésiter à contacter la Mission Handicap pour être accompagné et conseillé sur ces sujets.
Merci Ingrid pour votre témoignage.
Vous êtes patient ? aidant ? manager ? professionnel des ressources humaines ?
Vous aussi vous souhaitez témoigner de votre expérience de la maladie au travail, contactez-nous à l’adresse alloalex@wecareatwork.com.
Pour toutes vos questions, sachez qu’ALLO Alex est là pour vous aider ! Pour rappel, le service est joignable au 0800 400 310 du lundi au vendredi de 9h à 17h (appel gratuit)
Définitions
*endométriose : maladie gynécologique inflammatoire chronique caractérisée par la présence de fragments de tissu semblables à ceux de la muqueuse utérine (endomètre) qui peuvent se répandre en dehors de l’utérus, sur de nombreux organes : vagin, ovaires, rectum, vessie… Cela peut créer des douleurs ou des pathologies associées.
Sources et ressources complémentaires
[1] Ministère de la Santé et de la prévention : « Endométriose – Prendre en charge l’endométriose : le ministère s’engage », 6 mars 2023 [consulté le 27 mars 2023]
Comments