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pour ré-concilier maladie et travail ?

Concilier son rôle d’aidant et son travail – L’importance du soutien du manager

Selon le ministère de l’Économie et le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarité, il y a entre 8 et 11 millions d’aidants familiaux en France, soit près d’1 Français sur 6. Ils accompagnent au quotidien un proche en perte d’autonomie ou de dépendance, en raison de son âge, d’une maladie ou d’un handicap. Au travail, de nombreuses personnes sont concernées : 1 actif sur 4 sera proche aidant en 2030 selon l’Observatoire OCIRP


Parmi eux, des parents accompagnent leurs enfants touchés par la maladie ou le handicap : un soutien quotidien précieux et nécessaire qui impacte fortement la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée, entre charge mentale et stress importants, difficultés financières, isolement social, épuisement physique et psychologique… 


Quand une entreprise est sensibilisée à la maladie et aux situations de handicap, et les différents managers formés à l’accueil et à l’accompagnement d’un salarié aidant, l’organisation du travail est facilitée. Le soutien et l’accompagnement du manager sont essentiels pour la personne aidante. En effet, en instaurant un climat de confiance dans l’entreprise, en manifestant son soutien et en anticipant l’organisation des absences, cela permettra au parent aidant de s’absenter et gérer son travail dans les meilleures conditions possibles, sans que cela ne soit une source d’inquiétude supplémentaire.

Marie-Germaine témoigne : « Un employé qui se sent soutenu dans ces moments difficiles, que nous sommes tous amenés à traverser au cours de notre carrière, sera plus performant que l’inverse. » 

Nous sommes heureux de partager ici l’histoire de Marie-Germaine. De l’errance médicale au diagnostic de sa fille, un long parcours semé d'embûches où le soutien de son employeur et de son manager se sont avérés essentiels, pour concilier son rôle de parent, d’aidante et son rôle professionnel.


Marie-Germaine Cosnac, PwC, Regards croisés sur le combat qui nous unit, Éditions Vérone

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?


Je m’appelle Marie-Germaine de Cosnac. Je suis cadre dans les ressources humaines, employée chez PwC depuis huit ans maintenant. 

J’ai trois filles qui ont 16, 18 et 21 ans. J’ai connu de nombreuses difficultés avec ma fille aînée, depuis son plus jeune âge, qui ont conduit au diagnostic d’un autisme de type Asperger en 2020 (trouble du spectre autistique de niveau 1 sans déficience intellectuelle).


Nous sommes passés par beaucoup de phases compliquées avant cela. Il y a eu notamment une période où elle était anorexique et durant laquelle elle a été hospitalisée neuf mois. 


Aujourd'hui nous ne sommes pas complètement sortis d'affaire, mais elle va beaucoup mieux. Le fait d’avoir ce diagnostic nous a aidés à comprendre beaucoup de choses. Cela a également aidé ma fille à relire sa vie avec une autre grille de lecture, à s'accepter comme elle est et à ne pas chercher à mettre la barre trop haut et à compenser, voire sur-compenser en permanence. 


Ce diagnostic a été un soulagement pour nous tous et nous continuons de l'accompagner au quotidien. J’accompagne également ma fille benjamine qui a des troubles dys et qui est TDAH. En témoignant, je souhaite mettre mon expérience au service des autres. 


Votre mission d’aidante a évolué au fur et à mesure du temps, comment cela s’est passé au travail ?


Au moment où les soucis de ma fille ont commencé, je ne travaillais pas chez PwC. Je n’en ai pas parlé tout de suite à mon employeur. On ne savait pas trop ce que notre fille avait. Depuis toute petite, elle était suivie par des pédopsychiatres qui nous renvoyaient chaque fois vers de nouveaux professionnels. Nous tournions en rond, sans savoir vraiment ce qui se passait. 


Jusqu'au jour où je me suis rendue compte qu’il y avait sur mon lieu de travail, dans le bureau d'à côté, une collègue qui avait aussi des difficultés avec son fils. Elle aussi avait fait le choix de ne pas en parler.

Nos préoccupations de mères se sont rejointes en cherchant chacune une école alternative pour nos enfants qui ne rentraient pas dans le moule des écoles classiques. Nous avons compris toutes les deux que nous rencontrions les mêmes sortes de difficultés. Le fait d'en parler m'a alors libérée d'un poids. Je me suis sentie beaucoup moins seule et j'ai continué d’échanger avec elle. C'est depuis ce moment-là que j'ai décidé de parler des difficultés que je rencontrais avec ma fille parce que je me suis dit que cela pouvait aider d'autres personnes. Et c'est aussi agréable de se sentir moins seule.


J’ai ensuite rejoint PwC. J’ai évoqué la situation avec certains collègues desquels j’étais proche et avec mon manager. Il y a eu des périodes de haut et de bas. Pendant les périodes de bas, principalement au moment où ma fille a été hospitalisée, mes managers se sont montrés très bienveillants et humains. Ils m’ont dit que ma priorité était désormais ma fille et qu'ils s'adapteraient. Je pense que c'est une attitude que tout employeur devrait avoir parce que ça libère d'un poids moral et ça déculpabilise. Grâce à cela, j'ai réussi à faire la part des choses et à limiter au maximum l'impact de ma vie privée sur le travail.


Par exemple, les rendez-vous médicaux sont incompressibles : on ne choisit pas la date pour les rendez-vous dans les hôpitaux. J'ai donc dû à certains moments m'absenter sur mon temps de travail, mais je me suis toujours débrouillée pour rattraper mon travail et mon employeur me faisait confiance. Il n’y a jamais eu de soucis et cela s'est toujours très bien passé. Le fait d’avoir au préalable déjà informé mes managers des difficultés en cours nous a fait gagner du temps, mon employeur ne s’est pas trouvé pris au dépourvu et nous avons pu nous organiser en bonne intelligence.


Comment cela se passait concrètement ? 


Je prévenais mon manager en amont et lui soumettait un planning de mes absences lorsque j’avais suffisamment de visibilité sur ces dernières. Étant cadre, je bénéficie d’une flexibilité de mon temps de travail. Je m’organisais donc moi-même, je me reconnectais le soir ou à un autre moment. Je pense que c'est important d'avoir une communication transparente. Le fait d’en parler m’a permis d’avoir une plus grande flexibilité dans mon emploi du temps sans avoir à poser systématiquement des jours de congés pour un rendez-vous de quelques heures. En en parlant, on peut se libérer de toute cette charge mentale, une relation de confiance avec l’employeur peut alors s’installer.


Est-ce qu'il y a d'autres choses qui impactaient votre quotidien au travail ?


Pas directement. Il y avait les dossiers à remplir pour la MDPH que je remplissais à la maison, hors de mon temps de travail. L'impact est davantage psychologique. La souffrance morale ne se voit pas. Il y a des moments où ça allait mieux que d'autres. J'ai de la chance parce que j'ai toujours réussi à donner le change et à être d'humeur égale même quand j'avais des difficultés. C'est quelque chose qui n'est pas forcément facile pour tout le monde et qui peut impacter la qualité du travail, d’où la nécessité de se sentir soutenu par son employeur, ce qui implique au préalable d’en avoir parlé.


Vous travaillez désormais au sein de la mission handicap de PwC, pouvez-vous nous en dire plus ? 


J'avais envie d’apporter ma contribution pour faire changer le regard sur le handicap en général. C'est quelque chose que je voulais faire depuis longtemps mais je n’avais pas assez de bande-passante au niveau de mon travail. Je suis rentrée dans la mission handicap quand j'ai eu le diagnostic de ma fille, au moment de la crise du Covid. Avec une baisse d'activité à ce moment-là, je me suis dit que c'était le bon moment pour m'investir dans cette mission, en parallèle de mon travail. 


À travers mon expérience personnelle, je me suis rendue compte à quel point la France était en retard sur certains sujets et qu’il y avait aussi énormément de méconnaissance sur l’autisme et le handicap. J'ai donc voulu contribuer à rendre ces sujets plus visibles pour provoquer des changements dans notre société. Il y a énormément de choses à faire, c'est ma petite contribution, c'est déjà ça.


L’autisme et le TCA de votre fille vous ont-ils amenée à proposer des actions particulières ?


Dans le cadre d'un programme général sur les maladies chroniques et les différentes familles de handicap, j’ai suggéré d’aborder ces sujets-là et ai organisé des conférences en faisant intervenir des experts, mais sans forcément mettre en avant mes difficultés personnelles. Cela répondait aussi à une forte demande des collaborateurs.


Quelles difficultés avez-vous rencontrées ? Qu’est-ce qui vous a aidée ? 


C’était un vrai parcours du combattant en termes de prise en charge par les systèmes de santé et de l’Éducation nationale. C’était difficile de trouver des structures scolaires adaptées qui puissent convenir. Cela demande une telle énergie que cela peut impacter aussi la vie professionnelle. 


Par exemple, un jour, les médecins de ville nous ont dit qu'il fallait que notre fille soit prise en charge à l’hôpital immédiatement. Nous étions un vendredi, nous procédions aux démarches administratives d’enregistrement à l’hôpital, on nous a demandé de revenir le lundi suivant quand il y aurait le chef de service. Le lundi, on nous dit que notre fille est bien malade mais qu'elle n'est pas encore assez maigre pour être prise en charge et nous avons dû repartir avec elle, complètement démunis. Ça a été un moment très difficile. C’est pour cela que je vous parle de l’aspect psychologique en entreprise, parfois ce n’est pas évident. 


Il y a des choses qu'on ne voit pas, cela peut jouer sur la qualité du travail. J'ai beaucoup de chance parce que, comme je le disais précédemment, je suis quelqu'un d'assez solide, donc j'ai réussi à faire la part des choses, mais ce n’est pas donné à tout le monde. Cette histoire est un exemple parmi d'autres. C’est là que la relation de confiance avec l’employeur joue tout son rôle. Un employé qui se sent soutenu dans ces moments difficiles, que nous sommes tous amenés à traverser au cours de notre carrière, sera plus performant que l’inverse.


Ce qui m’a aidée, c’est de déculpabiliser et d’en parler à mon employeur pour  me décharger d’un poids et pouvoir me sentir plus libre. Ce qui m’a permis d’être plus efficace dans mon travail, sachant que j’avais instauré cette relation de confiance avec eux.


Si vous aviez 1 conseil ou bonne pratique à partager avec une personne aidante, avec son manager ou avec son employeur pour favoriser l'accompagnement des personnes concernées ?


Je dirais avant tout qu’en parler à son employeur, manager, collègues permet d’avancer, de trouver des solutions ensemble pour que chacun en ressorte gagnant. Le salarié peut ainsi se consacrer pleinement à son travail s’il se sait soutenu par ailleurs. En parler n’est pas facile pour tous, cela implique au préalable d’avoir accepté la situation et le temps d’acceptation n’est pas le même pour chacun. C’est pour cela je pense que les employeurs doivent travailler à créer des environnements de travail bienveillants afin que leurs collaborateurs puissent se sentir à l’aise et exprimer leurs difficultés sans crainte. J’ai eu la chance chez PwC de trouver cette écoute et cette bienveillance.


Avez-vous quelque chose à ajouter ?


Ma fille et moi venons de publier, à l’initiative de cette dernière, un livre témoignage sur le parcours qui a été le nôtre pendant les années qui ont précédé son diagnostic : Regards croisés sur le combat qui nous unit. Ce livre a comme premier objectif de sensibiliser et de faire réagir le plus grand nombre aux difficultés que rencontrent encore aujourd’hui tant de familles en France en quête de diagnostic ou de prises en charge de l’autisme, et plus particulièrement de l’autisme au féminin. Mais au-delà de la cause que nous défendons, c’est le regard sur le handicap en général que nous souhaitons contribuer à faire changer. Ce livre est notre petite contribution à l’édifice.


Merci Marie-Germaine pour votre témoignage !


Pour en savoir plus, découvrez nos articles


Découvrez le témoignage croisé de Marie-Germaine et de sa fille Diane : Regards croisés sur le combat qui nous unit, publié aux Éditions Vérone, 2024.


Vous êtes patient ? aidant ? manager ? professionnel des ressources humaines ? Vous aussi vous souhaitez témoigner de votre expérience de la maladie au travail, contactez-nous à l’adresse alloalex@wecareatwork.com.

Pour toutes vos questions, sachez qu’ALLO Alex est là pour vous aider ! Pour rappel, le service est joignable au 0800 400 310 du lundi au vendredi de 9h à 17h (appel gratuit).


 

Sources et ressources complémentaires introduction :


–  Ministère de l'Économie, des Finances et de la Relance : « Guide du proche aidant », 2021 

– Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités : « Agir pour les aidants », 6 octobre 2023

– DREES : Études et résultats : « Les proches aidants en France en 2021 », 2 février 2023


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