Philippe, agent contractuel de la fonction publique est touché par un cancer en septembre 2020. Il nous livre son expérience de vie de la maladie : sa conciliation maladie / travail, ses difficultés et ses projets.
Pour lui :
« Le chantier de la sensibilisation à mener dans les entreprises et notamment dans l’administration est immense ».
Nous sommes donc ravis de partager ici son témoignage.
Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre expérience de vie de la maladie en quelques mots ?
Âgé de 59 ans, et fort d’une carrière partagée entre une vingtaine d’années comme officier dans l’Armée de terre et presque autant dans le « privé », je continue aujourd’hui à servir l’État comme agent contractuel de la fonction publique.
J’ai été diagnostiqué d’un cancer avancé de la vessie en septembre 2020 après quelques alertes urologiques antérieures non prises correctement en charge ! S’en est suivi le parcours « classique » de chimiothérapie néoadjuvante pendant 3 mois avant une chirurgie lourde ayant entraînée une urostomie définitive, quelques séances de radiothérapie puis, depuis an et demi, un traitement mensuel d’immunothérapie qui semble plutôt bien circonscrire la maladie.
Après la tempête personnelle et familiale suscitée par l’annonce de mon cancer, j’arrive tout juste aujourd’hui à accepter cette nouvelle fragilité et intégrer que je suis « en sursis », bien que nous le soyons tous, et même si dans mon cas, aucune échéance négative n’a été posée ! Restons positif…
Comment conciliez-vous votre maladie et votre travail ?
La maladie m’a éloigné de mes activités et surtout de mes responsabilités professionnelles pendant 12 mois, dont 9 sans rémunération. A mon retour, je suis devenu un vrai casse-tête pour mon employeur : stomisé je dois bénéficier de soins quotidiens ; au bureau je dois disposer de toilettes adaptées et d’intimité en cas de défaillance du matériel ; en traitement, je dois m’absenter une journée toutes les trois semaines auxquelles s’ajoutent des examens et rendez-vous réguliers de suivi… entraînant par ailleurs une impossibilité de remplir 80% de mes fonctions de représentativité ! Aussi, a-t-il été décidé, en concertation, d’un changement de poste qui sera assuré en télétravail… ce qui est loin de satisfaire les deux parties !
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ? Qu’est-ce qui vous a aidé ?
Dans mon administration, mais sans doute comme dans beaucoup d’autres environnements professionnels, le cancer fait peur ; il est associé à la pire des maladies… à la mort certaine et rapide !
À la différence du handicap moteur, par exemple, le handicap invisible isole tout autant de ceux qui connaissent votre état de santé et pensent vous protéger en vous écartant d’une vie dite « normale », que de ceux qui l’ignorent et qui ne vous trouvent pas très performant. C’est en quelque sorte la quadrature du cercle : vous voudriez être « comme tout le monde », sans pouvoir l’être finalement. La rencontre avec d’autres malades est d’un grand secours puisqu’une certaine communion ou connivence nous lie et nous permet de nous (re)positionner.
De quoi auriez-vous besoin ?
Assurément de ne pas tomber malade !!! Plus sérieusement, et contrairement à ce que je pensais avant d’être affecté moi-même, la compatibilité cancer et travail relève d’un équilibre complexe.
D’un côté il y a un malade et de l’autre un employeur. Le malade a besoin de temps, d’accompagnement parfois, mais aussi d’un salaire pour vivre ; l’employeur lui, a besoin d’un salarié qui remplit la mission pour laquelle il a été recruté et qu’il rémunère. Si la situation du malade (absences, soins, performance) vient rompre cet équilibre ou que l’employeur n’y est pas préparé, les frustrations qui en découlent peuvent rapidement devenir catastrophiques. C’est ce que, je crois, je suis en train de vivre !
Quels sont vos projets aujourd’hui ?
Pour tout dire, je suis plutôt un hyperactif qui s’épanouit dans le travail, dans la réalisation… Le fait est que depuis deux ans, je suis plus proche du bore out que du burn out ! Ma priorité est de me reconstruire psychologiquement et, maintenant que j’ai bien compris que « ce ne sera plus jamais comme avant », transformer ma fragilité en une force capable de me projeter sur un nouveau challenge, vers un nouveau projet de vie, même si je ne peux encore précisément le définir. Cela va passer très certainement par la recherche d’un nouvel employeur !
Selon vous, comment peut-on améliorer l’accompagnement des personnes malades fonctionnaires ?
Sans animosité, je dois avouer que je n’ai pas été moi-même accompagné dans mon environnement professionnel. Aussi, je ne peux que me prononcer très favorablement sur une probable amélioration…
Il est difficile et surtout très personnel d’affronter la maladie, quelle qu’elle soit. L’employeur comme l’employé en pleine santé imaginent donc difficilement les écueils physiques, psychologiques et professionnels que rencontrent les malades.
Georges Guynemer disait que « quand on n’a pas tout donné, on n’a rien donné ». Il en est de même pour la maladie : tant que nous ne l’avons pas vécue, nous ne pouvons en définir ni les contours, ni les conséquences. Les efforts que vous déployez chez Wecare@work avec un succès certain, mériteraient d’être encouragés et, peut-être d’être plus étendus en province… Le chantier de la sensibilisation à mener dans les entreprises et notamment dans l’administration est immense.
Si vous aviez 1 seul conseil ou bonne pratique à partager avec une personne fonctionnaire, pour mieux concilier maladie et travail ?
N’étant pas fonctionnaire moi-même, il m’est difficile de répondre à cette question ! Toutefois, agent sous contrat, je côtoie depuis plus de 20 ans des fonctionnaires qui, sans doute, connaissent l’existence des services proposés par les référents « handicap » de l’administration.
Fonctionnaire ou salarié du privé, il nous faut tous prendre soin les uns des autres afin d’accepter qu’à défaut de vivre sans la maladie, on peut être amené à vivre avec !
Merci Philippe pour votre témoignage !
Pour aller plus loin, découvrez notre article « Fonctionnaires, quels sont vos droits en termes d'arrêt maladie ? »
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