Ces dernières années, avec l’essor de la démocratie sanitaire, les patients, leurs proches comme les bien portants peuvent prendre part activement à leur santé et à celle de l’ensemble de la société, par exemple via les commissions des usagers, les programmes d’éducation thérapeutique, le rôle du patient partenaire…
Nous vous avions partagé les expériences d’Edith et de Véronique, toutes deux, patientes partenaires. Aujourd’hui, nous avons souhaité mettre en lumière le parcours de Magali, diplômée de l’université des patients de Paris Sorbonne et employée en tant que patiente partenaire par Unisanté à Lausanne.
Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre expérience de vie de la maladie en quelques mots ?
Je suis Magali Bilien, Bretonne et depuis huit ans Lausannoise d'adoption.
À l’âge de 31 ans on m’a diagnostiqué un cancer du sein. J’avais tout prévu sauf ça. J’ai été lancée sans parachute dans le monde du cancer. Dans l’urgence des traitements, j’ai vécu des moments compliqués. Une période charnière de ma vie ou j’ai appris à m’adapter, à composer avec l’incertitude. Cet évènement m’a appris que j’avais plus de ressources que je ne le croyais. J’ai expérimenté la résilience. J’ai eu à faire de nombreux réajustements tant sur le plan personnel que professionnel.
Aujourd’hui encore je dois composer avec des effets secondaires des traitements, je continue au quotidien à chercher le bon équilibre. Depuis la maladie j’ai eu à réinventer ma vie, j’ai pris une nouvelle direction plus en adéquation avec mes valeurs.
Comment avez-vous concilié votre maladie et votre travail ? Quelles difficultés avez-vous rencontrées ? De quoi auriez-vous eu besoin ?
Dès lors que l’on m’a diagnostiqué ce cancer j’ai arrêté de travailler. Entre le choc psychologique, l’incertitude de ma forme physique et les nouvelles contraintes de mon emploi du temps, je n’arrivais pas à tout concilier.
J’ai donc mis entre parenthèses ma carrière professionnelle. Je suis revenue au travail une fois les gros traitements terminés. Ma reprise professionnelle fut intense et complexe tant au niveau émotionnel que physique. En parallèle de cette reprise professionnelle, je travaillais sur mon rétablissement. J’étais guérie du cancer mais j’avais encore beaucoup d’effets secondaires dû à mes traitements.
Le rétablissement et la reprise professionnelle sont des domaines essentiels et pourtant totalement sous-estimés. C’est un travail en soi de se remettre d’un cancer, sur le plan physique, psychologique, financier. Cela s’inscrit dans la durée et implique un engagement constant. Reprendre son travail après une longue absence, c'est impressionnant au début. D’autant plus que lors de ma reprise je souffrais encore de Brain Fog, de neuropathies, de douleur et de fatigue. J’avais perdu confiance en moi et en mes capacités. J’aurais aimé un accompagnement pour me préparer à cette reprise du travail. Un bilan de compétences pour pouvoir travailler sur l’estime de moi mais aussi un coaching pour définir des objectifs, des leviers possibles, connaître les limites, trouver des stratégies, et pour le développement de ma carrière (réflexion sur mon poste, mes motivations, mes ambitions, le sens et la promotion de ma carrière). Je n’ai obtenu de l’aide qu’après ma reprise professionnelle, ce qui je trouve était un peu dommage.
Concilier maladie et travail m’a demandé de développer et d’acquérir de nouvelles compétences : sens de l’organisation, gestion des imprévus, gestion du stress, capacité d’adaptation, proactivité, anticipation des besoins, résolution de problèmes complexes, gestion du temps, gestion des ressources, persévérance, résilience, communication, force de proposition, patience, demander des aménagements du soutien, sensibiliser, poser des limites (liste non exhaustive bien sûr).
À chaque étape de mon parcours, mes besoins changeaient et je devais donc ajuster mes stratégies. J’ai dû mobiliser d’énormes ressources. Et par moment je me suis perdue dans la trajectoire que je voulais donner à ma carrière. Il m’a fallu du temps pour reconnaître ma valeur sur le marché du travail. Encore une fois je pense qu’un accompagnement m’aurait été bénéfique.
La maladie n’est pas la fin d’une carrière, elle peut nous forcer à certains ajustements, mais avec du soutien et des bonnes stratégies, je pense qu’il est possible de rebondir. La difficulté c’est de trouver le soutien nécessaire et adapté à notre situation.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours de patiente partenaire ?
À la suite de mes traitements j’ai souhaité donner du sens à mon vécu et m’investir auprès de personnes touchées par la maladie. Je ne connaissais pas le terme de « patiente partenaire ». Ce sont mes collègues qui m’ont permis de découvrir ce nouveau métier. Je me suis tout de suite reconnue dans ce rôle.
Ma première expérience fut dans une association. En tant que patiente partenaire je participais au recrutement des bénévoles, je témoignais lors de conférences, et surtout je rencontrais des femmes et des hommes touchés par la maladie. Je me suis vite sentie à ma place. Une expérience riche de sens qui m’a donné l’envie de continuer. Puis en 2022, j’ai décroché mon premier contrat chez Unisanté, le centre universitaire de médecine générale et santé publique de Lausanne. Je travaille dans une équipe composée de chercheurs et de patients partenaires, notre projet FORCES est de promouvoir l’implication des patients et du public dans la recherche. Une nouvelle mission qui me permet de diversifier mon parcours et de m’épanouir pleinement.
Vous avez acquis un savoir-faire et un savoir-être expérientiel en tant que patiente, qu'est-ce que la formation de patiente partenaire à la Sorbonne vous a apporté de plus ?
La Sorbonne est une pépite dans ma vie. Cette formation, c’est pour moi l’occasion d’acquérir des savoirs plus théoriques (notamment scientifiques, historiques et même conceptuels). Grâce à ces connaissances j’aborde le cancer sous différents angles. La diversité de ces points de vue est enrichissante. Cette formation me permet d’adopter de nouvelles postures. J’ai pu évoluer dans ma pratique d’accompagnement grâce aux apports théoriques ainsi que les cas pratiques. La formation m’apporte également une légitimité dans le monde professionnel ce qui pour moi est essentiel dans la direction que je veux donner à ma carrière.
Comment le statut de patient partenaire est-il développé en Suisse ?
Malheureusement pour le moment le statut de patient partenaire n’est pas encore très développé. Il existe très peu de poste de patient partenaire. Cependant les grandes institutions commencent à s’y intéresser sérieusement. Comme pour tout nouveau métier, tout est à construire alors ça prend du temps. Mais le récent intérêt du public et du monde du travail est encourageant.
Quels sont vos projets aujourd'hui ?
Aujourd’hui j’ai deux projets qui me motivent.
Le premier c’est un projet que je porte grâce à mon emploi chez Unisanté. Dans ce contexte de promotion de l’implication des patients et du public dans la recherche nous allons organiser un congrès : International Shared Decision Making (ISDM) en 2024.
Le deuxième qui me tient particulièrement à cœur c’est de développer mon activité d’accompagnement des personnes touchées par un cancer. Idéalement je voudrais intervenir dans le milieu hospitalier car je pense que c’est là que beaucoup de choses se jouent pour les malades. C’est un projet que je construis actuellement.
Selon vous, comment peut-on améliorer l’accompagnement des personnes malades au travail ?
Un point qui me semble essentiel c’est d’accorder de l’importance à la diversité des parcours et des individus.
Une même maladie peut toucher des millions de personnes, et chaque individu a sa manière qui lui est propre de vivre cet évènement. On peut donc considérer que pour un accompagnement pertinent il faudrait pouvoir s’adapter aux besoins et aux attentes de chaque individu. Personnaliser au maximum l’accompagnement.
La temporalité est aussi très importante. Se rétablir n’est pas linéaire c’est pourquoi je trouve important de proposer un accompagnement qui s’inscrit dans la durée.
Si vous aviez 1 seul conseil ou bonne pratique à partager avec une personne qui souhaiterait faire une formation de patiente partenaire ?
Foncez, se former c’est s’ouvrir des portes.
Quelque chose de plus à nous partager ? Une passion ? Une citation ? Une œuvre?
Mon leit motiv : être l’autrice de ma vie
Merci Magali pour votre témoignage.
Vous êtes patient ? aidant ? manager ? professionnel des ressources humaines ?
Vous aussi vous souhaitez témoigner de votre expérience de la maladie au travail, contactez-nous à l’adresse alloalex@wecareatwork.com.
Pour toutes vos questions, sachez qu’ALLO Alex est là pour vous aider ! Pour rappel, le service est joignable au 0800 400 310 du lundi au vendredi de 9h à 17h (appel gratuit)
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