Octobre rose est le mois dédié à la lutte contre le cancer du sein. Du 1er au 31 octobre, professionnels de santé, ONG et associations se mobilisent à travers le monde pour sensibiliser au dépistage de ce cancer qui représente un tiers de l'ensemble des nouveaux cas de cancer chez la femme en France, selon Santé Publique France. Au-delà des traitements, se posent également les questions de la conciliation de la maladie avec la vie professionnelle et de la reprise du travail après la maladie. Quelles sont les séquelles ? Quelles sont les aspirations ? Quelle vie professionnelle après la maladie ?
Aujourd’hui, en France,
1 personne sur 3 quitte son emploi deux ans après le diagnostic d’un cancer. (Rapport 2014, Observatoire sociétal des cancers)
63,5 % des personnes souffrent de séquelles dues au cancer ou aux traitements. (VICAN 5, 2018, INCa)
En 2023, on dénombre 61 214 nouveaux cas de cancers du sein. (Panorama des cancers 2023, INCa)
Les conséquences de la maladie qui peuvent impacter le travail en fonction du poste occupé peuvent être multiples : douleurs neuropathiques, lymphoedèmes, chirurgie, fatigabilité (port de charges, limitation d'activité...), difficultés cognitives… Différents types d'accompagnement seront nécessaires en fonction de la personne et des difficultés qu'elle rencontre, selon la situation dans laquelle elle se trouve : après un arrêt long, lors d'un cancer chronique, sous traitement…
Vous avez pu découvrir mardi comment organiser Octobre rose dans votre entreprise. Aujourd’hui nous avons souhaité vous partager les témoignages de Christelle, Magali, Véronique, Julie, Chloé, Sylvie et Claude. Elles ont toutes eu un cancer du sein, ont repris le travail, certaines sont encore en traitement. Nous sommes heureux de vous partager leurs retours d’expériences sur ce qui a pu les aider et leurs conseils.
Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre expérience de vie du cancer du sein en quelques mots ?
Véronique : « J’ai eu un cancer du sein en 2017 et je suis toujours en traitement… Les conséquences de l'ensemble de mes traitements me font toujours souffrir et ont un impact certain sur ma vie et ma vie professionnelle. »
Christelle : « J'ai 44 ans et j'ai été touchée par un cancer du sein à l'âge de 38 ans alors que ma fille n'avait pas 3 ans. »
Magali : « J'ai 43 ans (40 ans à l'annonce de la maladie), mariée, 2 enfants et conseillère en évolution professionnelle. »
Chloé : « J'ai 42 ans, maman de 2 garçons et directrice marketing. En 2015 après la naissance de mon deuxième enfant, on me découvre un cancer du sein infiltrant et agressif. Mon monde s'écroule : cadre dynamique, mode de vie sain, famille de carte postale, je reste abasourdie devant l'annonce... »
Julie : « J’ai eu un cancer du sein à 37 ans. Mes enfants avaient alors 4 ans et 18 mois. J'étais cadre manager dans la grande distribution. J'ai été en arrêt maladie pendant un an pour me soigner (chimio, 3 chirurgies, radiothérapie et immunothérapie ciblée). J'ai repris le travail en mi-temps thérapeutique pendant neuf mois puis trois mois à 80 %. J'ai aujourd'hui 40 ans. J'ai l'impression que mon cancer et le retour au travail étaient hier. Il y a eu clairement un avant et un après ma maladie. »
Sylvie : « J’ai 53 ans et on m’a diagnostiqué un cancer du sein en août 2020. Basque de cœur, je partageais ma vie entre Paris et Saint-Jean-de-Luz. Lorsque j’ai appris que je devais suivre une chimio lourde. J’ai annoncé à mon oncologue que je n’avais pas l’intention d’arrêter mon activité professionnelle car cela me semblait impensable : un job prenant, avec la responsabilité de grosses équipes et dans une société américaine qui va vite. Comment imaginer un arrêt brutal ? Ce dernier m’a expliqué que les traitements qui s’annonçaient ne me laisseraient pas le choix. »
Claude : « J’aurai bientôt 52 ans. J’ai la chance d’avoir 2 grands enfants et une magnifique petite-fille de 3 mois.
J’ai toujours travaillé dans le domaine de l’informatique ou de la data jusqu’à ce que ma vie bascule en juin 2018, à l’aube de mes 49 ans. Aujourd’hui, je suis une Triplette. C’est comme cela que s’appellent les femmes qui ont, ou qui ont eu un cancer du sein triple négatif. Ce cancer du sein est mal connu, il touche souvent des femmes jeunes et est plus difficile à soigner. »
Qu'est-ce qui vous a aidée ?
Véronique : « Le temps... Je me suis laissée le temps d’intégrer, de comprendre, de digérer et enfin d’apprendre de ma maladie. Je me sens beaucoup plus forte qu’avant et beaucoup plus sereine avec la vie. De ce fait, dans le travail aujourd’hui, je sais prioriser, je sais prendre le temps de faire sans urgence. Je sais me poser pour me reposer, je sais dire simplement “non” quand c’est nécessaire. Bref, assimiler cette notion du temps et m’en servir. C’est, entre autres, une de mes nouvelles compétences. »
Christelle : « Une fois mon parcours de soin bien entamé, j'ai rencontré l'association Jeune & Rose et ça a été une bouffée d'oxygène et d'espoir de rencontrer les 2 co-fondatrices évoquer les problématiques spécifiques qui touchent les jeunes patientes : cancer et maternité, oncofertilité, cancers de haut grade, le décalage, ménopause artificielle, retards de diagnostic... »
Magali : « Ce qui m'a aidée, c'est l'écriture d'un journal intime depuis octobre 2019 que j'ai transformé en livre en 2021 (non édité à ce jour) La course à pied également, que j'ai toujours continuée. Et bien sûr, mes enfants (10 ans et 7 ans à l'époque). Et surtout, surtout, l'association Jeune & Rose pour laquelle maintenant je suis bénévole !
L'assistante sociale m'avait également recommandé d'établir une demande de RQTH auprès de la MDPH. [...] Ce que j'ai appris grâce à cette reconnaissance, c’est que l'acte de reconnaissance RQTH est surtout un acte qui définit qu'à cause d'un accident de la vie, d'une pathologie survenue, nous n'avons plus les mêmes dispositions. »
Julie : « J'ai réussi à m'accrocher pendant ces longs mois grâce surtout au soutien sans faille de mon conjoint (qui a toujours été présent et parfait pendant toute cette épreuve et qui est également un très bon manager) et au soutien de mes CRH. »
Chloé : « Sans hésiter la bienveillance de mon ancienne équipe, de mon ancien boss, de mes collègues de l'époque. J'ai été extrêmement touchée par leur accueil à mon retour et leur nombreux feed-back sur la nouvelle personne que j'étais devenue après tout ça.
En second lieu, l'organisation de mon ancienne société, structurée, bien préparée à la situation a été une grande chance. Ma direction et le service RH ont su apaiser mes craintes : aménagement de mon poste, de mon planning et une phrase magique “Ne t'inquiète pas, soigne-toi et on t'attend”. Ils mériteraient sans doute un Award Cancer@work »
Sylvie : « Ce qui m'a le plus aidée est d’avoir le choix ! On imagine souvent le côté binaire des choses. Un arrêt maladie = ne plus avoir de contact avec l’entreprise. En fait, il est capital d’avoir un dialogue avec son employeur pour lui expliquer ce qui est bien pour vous… et être en mode proposition. »
Claude : « Je crois que tout le monde a fait le maximum pour que mon retour soit le plus adapté possible. Je ne peux que dire merci !
Le médecin du travail a également été très proche et attentionné. J’avoue que je ne m’y attendais pas du tout.
Le temps partiel thérapeutique était indispensable.
Le télétravail était également une formule appréciable. J’ai une heure quinze de transport en commun pour aller travailler. Cela a parfois été une source d’inquiétude, notamment pour le retour avec la fatigue accumulée dans la journée. En étant en télétravail, je pouvais mieux organiser ma journée et aller m’allonger lorsque c’était nécessaire. Pour autant, après plusieurs mois d’arrêt maladie, j’avais surtout envie d’être en présentiel ! »
Si vous aviez 1 seul conseil ou bonne pratique à partager pour mieux concilier maladie et travail, lequel serait-ce ?
Véronique : « Ne pas s’enfermer dans sa maladie, savoir partager ses difficultés, ses ressentis et en particulier ses problèmes de conciliation maladie et travail s’ils existent. »
Magali : « S'écouter et surtout parler de nos besoins, de nos difficultés, s'exprimer ouvertement pour qu'il n'y ait pas de malentendus et demander une RQTH. »
Chloé : « Je dirai juste aux personnes qui se réfugient dans le travail de faire attention à leur état émotionnel car c'est à la fois un super appui pour traverser la maladie mais aussi une façon de ne pas la regarder en face. La conséquence ? La guérison totale physique et psychologique, vraiment plus longue. »
Sylvie : « La maladie ne touche pas seulement l’individu mais tout le collectif. Je crois que cette épreuve a soudé notre équipe d’une façon incroyable.
Mon conseil est d’accepter de s’ouvrir, d’accepter ses limites et "passer le ballon" aux collaborateurs qui peuvent vous seconder. C’est souvent un moment unique de partage et de cohésion.
Et mon conseil le plus important : écoutez vos besoins et écoutez-vous !! »
Claude : « Avant ma récidive, j’avais hâte de retrouver ma vie d’avant, de faire comme avant. C’était une erreur. J’étais différente et je n’avais pas retrouvé toute mon énergie pour cela. Un conseil de base est de reprendre le travail très progressivement, se donner le temps… Le corps est fatigué. Reprendre une activité professionnelle, c’est comme reprendre le sport, il faut un plan d'entraînement en quelque sorte. On ne fait pas de marathon sans commencer par courir un 10 km. Là c’est pareil, il faut se respecter et commencer avec seulement 1 ou 2 jours par semaine. Ensuite on peut augmenter progressivement et tenir la distance. Toutefois, quand la maladie est devenue chronique, cela ne suffit pas. Pour trouver un équilibre, un travail personnel est également nécessaire.
Il faut commencer par accepter que l’on construise une nouvelle vie avec de nouveaux paramètres. Il faut arriver à comprendre ce qui est bon pour nous et ce que l’on veut vraiment. La maladie nous invite à cette rencontre avec nous-mêmes : c’est le moment ou jamais de répondre à ces questions essentielles. Aujourd’hui j’ai une nouvelle règle d’or : je suis MA priorité ! »
Ces témoignages sont extraits d’interviews individuelles, retrouvez-les en intégralité sur le blog. Découvrez également les témoignages d’Audrey, Edith, Flavie, Guillemette, Laure, Marie-Anne, Maureen… et bien d’autres encore.
Vous êtes patient ? aidant ? manager ? professionnel des ressources humaines ? Vous aussi vous souhaitez témoigner de votre expérience de la maladie au travail, contactez-nous à l’adresse alloalex@wecareatwork.com.
Pour toutes vos questions, sachez qu’ALLO Alex est là pour vous aider ! Pour rappel, le service est joignable au 0800 400 310 du lundi au vendredi de 9h à 17h (appel gratuit).
Crédit photo : Anna Tarazevich / Pexels
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